Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome III.djvu/395

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les objets qui ne sont point en notre pouvoir, il n’en est aucun où notre affection se puisse reposer avec plus de sécurité que sur de tels hommes ; il est aussi impossible de dissoudre un pareil lien, fondé sur un commun amour de la vérité, que de ne pas embrasser la vérité elle-même aussitôt qu’on la connaît. Aucune affection, dans l’ordre des choses placées hors de notre puissance, ne saurait être plus agréable ni plus forte, puisque la vérité seule peut établir une solide union dans la diversité des esprits et des sentiments. Je laisse les avantages qu’on en peut retirer, pour ne pas insister sur ce qui vous est parfaitement connu ; et je ne l’ai fait jusqu’ici que pour vous mieux montrer combien il m’est et me sera toujours agréable de trouver l’occasion de vous rendre mes services.

Pour prendre sur-le-champ celle qui se présente, j’entre dans le fond de votre lettre, et je réponds à votre objection, dont voici le fondement : c’est que de la providence de Dieu, qui ne diffère pas de sa volonté et de son concours, et de la création continue, il résulte qu’il n’y a ni péché ni mal, ou que Dieu effectue le mal et le péché. Mais vous n’expliquez pas ce que vous entendez par le mal ; et autant que l’on peut le conjecturer d’après votre exemple de la volonté déterminée d’Adam, vous paraissez entendre par ce mot de mal la volonté elle-même, en tant qu’elle est conçue comme déterminée à un mode particulier, ou en tant qu’elle résiste à l’ordre de Dieu ; et vous en concluez (ce que je suis loin de contredire, si l’on admet votre hypothèse) qu’il y a une égale absurdité à soutenir ou que Dieu fasse lui-même ce qui est contre sa volonté, ou que ce qui est contre la volonté de Dieu puisse être bon. Quant à moi, je ne puis accorder que le péché ou le mal soit quelque chose de positif, encore moins que quelque chose puisse exister ou arriver contre la volonté de Dieu. Loin de là, je prétends non-seulement que le péché n’est rien de positif, mais que nous ne pouvons dire qu’improprement, et en