Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome III.djvu/392

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nom, soit comme interprète de M. Descartes, premièrement, que créer et conserver sont une même chose (ce qui est, en effet, si évident, pour peu qu’on y réfléchisse, que c’est une notion élémentaire) ; en second lieu, que Dieu ne crée pas seulement les substances, mais même le mouvement dans les substances, c’est-à-dire que par une création continuelle il conserve non-seulement les substances dans leur état naturel, mais leur mouvement même et l’effort qu’elles produisent. Dieu, par exemple, ne fait pas seulement, par sa volonté immédiate et par son opération (quel que soit le nom que vous choisissiez), que l’âme dure et persévère dans son état, mais il est cause que son opération détermine de telle façon le mouvement de l’âme. En un mot, de même que c’est par la continuelle création de Dieu que les êtres durent, de même l’effort et le mouvement des êtres arrivent en eux par la même cause, et hors de Dieu il n’existe point de cause de mouvement. Il s’ensuit que Dieu n’est pas seulement cause de la substance de l’âme, mais de tous les efforts ou mouvements de l’âme que nous appelons volontés ; vous le dites vous-même à plusieurs reprises ; or de cette assertion il résulte, ou qu’il n’y a aucun mal dans le mouvement ou la volonté de l’âme, ou que ce mal, Dieu lui-même le produit immédiatement. Et remarquez bien que ce que nous appelons des maux est produit par l’âme et conséquemment par le concours de Dieu et son action immédiate. Prenons un exemple. L’âme d’Adam veut manger du fruit défendu. Qu’arrive-t-il ? Suivant ce qui précède, non-seulement la volonté d’Adam veut par l’influence de Dieu, mais, comme nous allons le faire voir, c’est par l’influence de Dieu qu’elle veut précisément ce qu’elle veut, de sorte que, Dieu mouvant la volonté d’Adam, et la mouvant dans le sens déterminé où elle se meut, il arrive de deux choses l’une : ou que l’acte défendu n’est pas un mal, ou que Dieu lui-même fait directement ce que nous appelons le mal. Ni vous ni M. Descartes n’échappez à cette objection en disant que le mal