Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome III.djvu/389

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peuvent être divisées et considérées comme finies ; enfin, il y a de certaines choses qui sont infinies ou, si vous aimez mieux, indéfinies, parce qu’elles ne peuvent être égalées par aucun nombre, bien qu’il y ait entre elles des différences de grandeur : car de ce que deux choses ne peuvent être égalées par aucun nombre, il ne s’ensuit pas du tout qu’elles soient égales entre elles, comme cela est manifeste par l’exemple cité et par une foule d’autres semblables.

J’ai donc mis sous vos yeux, mon cher ami, la cause des erreurs et de la confusion où l’on est tombé au sujet de cette question de l’infini, et je les ai expliquées toutes, si je ne me trompe, de façon qu’il ne reste plus une seule question relative à l’infini que je n’aie touchée ou qui ne se puisse résoudre au moyen des considérations qui précèdent. Il est donc superflu de vous retenir plus longtemps sur cette matière.

Je veux toutefois noter en passant que les nouveaux péripatéticiens ont mal compris, à mon avis, la démonstration que donnaient les anciens disciples d’Aristote de l’existence de Dieu. La voici, en effet, telle que je la trouve dans un juif nommé Rab Ghasdaj 8 : Si l’on suppose un progrès de causes à l’infini, toutes les choses qui existent seront des choses causées. Or nulle chose causée n’existe nécessairement par la force de sa nature. Il n’y a donc dans la nature aucun être à l’essence duquel il appartienne d’exister nécessairement. Mais cette conséquence est absurde. Donc le principe l’est aussi. - On voit que la force de cet argument n’est pas dans l’impossibilité d’un infini actuel ou d’un progrès de causes à l’infini. Elle consiste dans l’absurdité qu’il y a à supposer que les choses qui n’existent pas nécessairement de leur nature ne soient pas déterminées à l’existence par un être qui de sa nature existe nécessairement.

Je passerai maintenant, parce que le temps me presse,