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qu’il y a entre ces deux cercles, ni toutes les variations que doit subir la matière en mouvement dans l’espace qui les sépare. Or cela ne vient point du tout de la grandeur de cet espace ; car prenez-en une partie si petite qu’il vous plaira, vous aurez toujours des inégalités de distance qu’aucun nombre ne pourra exprimer. Et on ne conclut pas de là, comme il arrive dans d’autres cas, que nous ne connaissions pas le maximum et le minimum de cette distance ; car dans l’exemple que nous avons pris, le maximum et le minimum sont tous les deux aisés à déterminer 7. La seule conclusion que nous ayons à tirer, c’est que la nature de l’espace compris entre deux cercles non concentriques (enveloppés l’un dans l’autre) n’admet pas entre ces deux cercles un nombre déterminé de distances inégales. Par conséquent, celui qui voudrait fixer le nombre de ces distances devrait faire en même temps qu’un cercle ne fût pas un cercle.

Il en serait de même, pour revenir à mon sujet, de celui qui voudrait déterminer tous les mouvements que la matière a reçus jusqu’à ce moment en les réduisant, ainsi que leur durée, à un certain nombre et à un certain temps ; car ce serait vouloir dépouiller de ses affections la substance corporelle, que nous ne pouvons concevoir que comme existante, et faire qu’elle n’eût pas la nature qu’elle a réellement. Je pourrais démontrer cela très-clairement, ainsi que plusieurs autres points que j’ai touchés dans cette lettre, si je ne jugeais la chose superflue. Il est aisé de voir par les réflexions précédentes qu’il y a des choses qui sont infinies de leur nature et ne peuvent en aucune façon être conçues comme finies, et d’autres choses qui ne sont infinies que par la force de la cause dont elles dépendent étroitement, et qui par conséquent, dès qu’on les conçoit d’une manière abstraite,