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m’a été remise par votre ami N. N. ; l’autre du 26 mars, qu’un autre de vos amis, je ne sais lequel, a envoyée à Leyde. Toutes deux m’ont été infiniment agréables, surtout parce qu’elles m’ont fait voir que toutes vos affaires vont pour le mieux et que vous ne m’oubliez pas. Je vous dois aussi les plus vifs remerciements pour toutes les marques de politesse et d’estime dont vous voulez bien m’honorer. Croyez, je vous prie, que je n’ai pas pour vous un moindre attachement, et que je désire trouver l’occasion de vous le témoigner autant que ma médiocrité le pourra permettre. Et, pour vous en donner une première preuve, je m’empresse de répondre aux questions que vous m’adressez dans vos lettres. Vous me demandez mes sentiments sur l’infini : c’est de grand cœur que je vais vous les dire.

Ce qui a fait regarder par tout le monde la question de l’infini comme très-difficile et même comme inextricable, c’est qu’on n’a pas distingué deux choses, savoir ce qui est infini de sa nature ou par la seule force de sa définition, et ce qui n’a pas de limites, non par la vertu de son essence, mais par la vertu de sa cause. Une autre distinction qu’on n’a pas faite est celle d’une chose qu’on appelle infinie comme n’ayant pas de limites, et d’une chose dont les parties ne peuvent être égalées ni déterminées par aucun nombre, quoique l’on ait le maximum et le minimum où elle est enfermée. Si on avait remarqué ces différences, je répète qu’on n’aurait pas rencontré une foule de difficultés dont on a été accablé : on aurait aperçu clairement quelle espèce d’infini est indivisible et ne peut avoir de parties, et quelle autre espèce en peut contenir sans contradiction. On aurait vu aussi qu’il ne répugne nullement que tel infini soit plus grand que tel autre infini, et qu’il y a une sorte d’infini qu’on ne peut concevoir de cette façon. C’est ce qui résultera clairement, j’espère, des explications que je vais vous donner.

Mais il faut d’abord que je dise quelques mots sur les