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LETTRES.

finie, contient en soi objectivement la nature tout entière et dont les différentes pensées s’ordonnent conformément à une loi générale, la loi de la pensée ou des idées[1]. L’âme humaine, selon moi, c’est cette même puissance dont je viens de parler, non pas en tant qu’elle est infinie et perçoit toute la nature, mais en tant qu’elle est finie, c’est-à-dire en tant qu’elle perçoit seulement le corps humain ; et sous ce point de vue, je dis que l’âme humaine est une partie d’une intelligence infinie.

Mais je ne puis expliquer et établir ici toutes ces choses et celles qui en dépendent avec le soin convenable ; ce serait m’exposer à être plus long qu’il ne faut ; et, d’ailleurs, je ne présume pas qu’en ce moment vous attendiez de moi l’éclaircissement de toutes ces questions ; je crains même, pour le peu que j’ai dit, d’être tombé dans une méprise et de vous avoir répondu sur de certains objets, tandis que vous vouliez m’interroger sur d’autres. Marquez-moi, je vous prie, ce qu’il en est.

Vous dites dans votre lettre que j’ai déclaré fausses presque toutes les règles de Descartes[2] sur le mouvement. Mais si j’ai bonne mémoire, je crois avoir attribué ce sentiment à M. Huyghens, et n’avoir parlé, quant à moi, que de la sixième règle de Descartes, que je crois fausse en effet et sur laquelle j’ai ajouté que M. Huyghens lui-même était dans l’erreur. Et à cette occasion, je vous ai prié de me communiquer l’expérience que vous avez faite dans votre Société royale pour vérifier l’hypothèse de M. Huyghens. Puisque vous ne me répondez rien sur ce point, je présume que la chose est impossible.

À propos de M. Huyghens, je vous dirai qu’il a été et qu’il est encore tout occupé de polir des verres à réfraction. Il a construit pour cela un appareil assez ingénieux où il peut tourner aussi des moules sphériques. Que sor-

  1. J'interprète en cet endroit Spinoza plus que je ne le traduis, sa pensée ne me paraissant pas complètement exprimée. — Voyez Éthique, part. 2, Propos. 7, 8.
  2. Voyez Descartes, Principes de la Philos., part. 2, 46 sqq.