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parlant ainsi, nous n’imputons à Dieu aucune imperfection ; car c’est sa perfection même qui nous a forcés d’admettre cette doctrine. Soutient-on la doctrine contraire ? Il faut alors (comme je l’ai fait voir) aboutir à cette conséquence que Dieu n’est pas parfait, puisque, si l’on suppose les choses produites d’une autre façon, il est nécessaire d’attribuer à Dieu une autre nature, une nature qui n’est pas celle que nous avons déduite de la considération de l’être absolument parfait.

Du reste, je ne doute pas que plusieurs ne rejettent avec un grand mépris ce sentiment, comme décidément absurde, et ne veuillent pas se donner la peine d’y réfléchir ; et cela sans aucune autre raison que l’habitude où ils sont d’attribuer à Dieu une certaine liberté, fort différente de celle que nous avons définie plus haut (Déf 6). Mais je n’ai pas non plus le moindre doute que, s’ils veulent méditer la chose et se rendre compte en eux-mêmes de l’enchaînement de nos démonstrations, ils ne reconnaissent premièrement que cette liberté ou volonté absolue est une chose vraiment puérile, et même qu’elle doit être regardée comme un grand obstacle à la science de Dieu.

Je n’ai pas besoin de répéter ici ce que j’ai dit dans le Scholie de la proposition 17 ; cependant je ferai voir, en considération des personnes dont je viens de parler, que tout en admettant que la volonté appartient à l’essence de Dieu, il n’en résulte pas moins de la perfection divine que les choses créées n’ont pu l’être d’une autre façon, ni dans un autre ordre. C’est ce que j’établirai sans peine, si l’on veut bien considérer un premier point, accordé par mes contradicteurs eux-mêmes, savoir que chaque chose est ce qu’elle est par le décret de Dieu et par sa volonté ; autrement, Dieu ne serait pas la cause de toutes choses. Il faut observer en second lieu que tous les décrets de Dieu ont été sanctionnés par lui de toute éternité, puisque autrement on devrait l’accuser d’imperfection et d’inconstance. Or, comme dans l’éternité il n’y a