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LETTRE I.

À MONSIEUR B. DE SPINOZA,

HENRI OLDENBURG[1].


Monsieur et respectable ami,

Il m’a été si pénible de me séparer de vous après mon séjour récent dans votre retraite de Rheinburg, qu’aussitôt revenu en Angleterre je n’ai pas de plus vif désir que celui de m’unir à vous ; et ne pouvant vous voir, je vous écris. La science des choses sérieuses, unie à la douceur et à la politesse des mœurs (toutes ces qualités précieuses que la nature et l’art vous ont prodiguées), a en elle tant d’attraits qu’elle se fait aimer de tout honnête homme qui a reçu une éducation libérale. Permettez donc, Monsieur, que je m’unisse à vous d’une amitié sincère, et que nous la cultivions soigneusement par des études communes et toute espèce de bons offices. Le peu que ma faiblesse pourra produire est à vous. Souffrez que je m’approprie à mon tour, du moins en partie, les dons si rares de votre esprit, le pouvant faire sans vous causer aucun dommage.

Les objets de notre entretien à Rheinburg, c’étaient, vous le savez, Dieu, l’étendue et la pensée, la distinction

  1. Henri Oldenbourg était ministre de la basse Saxe à Londres du temps de Cromwell. Plus tard, il fut nommé secrétaire de la Société royale de Londres et publia, en cette qualité, les Transactions philosophiques pendant les années 1664-1667. — Voyez sur Oldenbourg et les autres correspondants de Spinoza notre Notice bibliographique.