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DE LA RÉFORME

ceux dont nous nous servons pour comprendre les choses éternelles et leurs lois. Toutefois ce n’est point ici le lieu d’en parler : cela ne sera nécessaire que quand nous aurons acquis une connaissance suffisante des choses éternelles et de leurs lois infaillibles, et que la nature de nos sens nous sera devenue manifeste.

Avant de nous disposer à prendre connaissance des choses particulières, il sera convenable de parler de ces secours qui tous tendent à nous enseigner le moyen de faire usage de nos sens, l’ordre et les lois des expériences qui doivent suffire à déterminer la chose que l’on recherche, enfin, à nous faire conclure selon quelles lois éternelles elle a été produite et quelle en est la nature intime, comme je le montrerai en son lieu. Ici, pour en revenir au but que je me propose, je tâcherai seulement d’exposer ce qui me semble nécessaire pour parvenir à la connaissance des choses éternelles, et pour en former les définitions suivant les conditions précédemment indiquées.

Pour cela il faut se rappeler ce que nous avons dit plus haut, à savoir, que lorsque l’esprit s’applique à une certaine pensée, pour l’examiner et en déduire dans un bon ordre ce qui peut en être légitimement déduit, si elle est fausse, il en découvrira la fausseté ; si, au contraire, elle est vraie, alors il continuera heureusement et sans interruption à en déduire des vérités ; cela, dis-je, est nécessaire à notre sujet, car nos pensées n’ont hors d’elles-mêmes aucun fondement sur lequel elles aient à s’appuyer. Si donc nous voulons appuyer nos recherches sur la première chose de toutes, il est nécessaire qu’il y ait quelque fondement qui les porte de ce côté. Ensuite, parce que la méthode est la connaissance réflexive elle-même, ce fondement qui doit assurer nos pensées ne peut être autre chose que la connaissance de ce qui constitue l’essence de la vérité, et celle de l’entendement, de ses propriétés et de ses facultés ; celle-ci acquise, nous aurons un fondement sur lequel nous établirons nos pensées, et