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DE LA RÉFORME

ne peut être comprise alors que par sa seule essence ; si au contraire elle n’est pas en soi, mais qu’elle ait besoin d’une cause étrangère pour exister, alors c’est par sa cause immédiate qu’elle doit être comprise : car, en réalité[1], connaître l’effet n’est pas autre chose qu’acquérir une connaissance plus parfaite de la cause. Nous ne pourrons donc jamais, en nous livrant à l’étude des choses, rien conclure des abstractions, et nous devrons prendre bien garde de confondre ce qui est seulement dans l’entendement avec ce qui est dans les choses. Mais la meilleure conclusion est celle qui se tirera d’une essence particulière affirmative, c’est-à-dire d’une définition vraie ou légitime. Car des axiomes universels seuls l’esprit ne peut descendre aux choses particulières, puisque les axiomes s’étendent à l’infini, et ne déterminent pas l’entendement à contempler une chose particulière plutôt qu’une autre. Ainsi le véritable moyen d’inventer, c’est de former ses pensées en partant d’une définition donnée, ce qui réussira d’autant mieux et d’autant plus facilement qu’une chose aura été mieux définie. Ainsi le pivot de toute cette seconde partie de la méthode, c’est la connaissance des conditions d’une bonne définition, et ensuite du moyen de les trouver. Je traiterai donc d’abord des conditions de la définition.

Une définition pour être dite parfaite devra expliquer l’essence intime de la chose, à laquelle il faudra prendre garde de substituer quelque propriété particulière. Pour expliquer ceci, et pour ne pas me servir d’exemples par lesquels j’aurais l’air de vouloir signaler les erreurs des autres, je prendrai l’exemple d’une chose abstraite, et qu’il importe peu de définir d’une manière ou d’une autre, telle que le cercle. Si on le définit une figure dans laquelle toutes les lignes menées du centre à la circon-

  1. Remarquez qu’il résulte de là que nous ne pouvons rien comprendre dans la nature sans étendre en même temps la connaissance que nous avons de la première cause ou de Dieu.