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DE LA RÉFORME

la puissance même et de la nature de l’entendement.

Car supposons que l’entendement vînt à percevoir quelque être nouveau qui n’a jamais existé, comme, par exemple, quelques-uns conçoivent l’intelligence de Dieu avant la création (laquelle conception, sans nul doute, n’est produite par aucun objet), et que l’entendement déduisît légitimement de cette perception d’autres idées, toutes ces idées seraient vraies, sans être pourtant déterminées par aucun objet externe ; mais elles dépendraient uniquement de la puissance et de la nature de l’entendement. Ainsi, ce qui constitue l’essence de la pensée vraie, nous devons le chercher dans cette même pensée, et le déduire de la nature de l’entendement. Pour faire cette recherche plaçons sous nos yeux une idée vraie dont nous sachions d’une certitude complète que l’objet dépend de notre faculté de penser, sans qu’il puisse avoir aucune réalité dans la nature. Avec une telle idée, il nous sera plus facile, comme cela ressort de ce que nous avons déjà dit, de faire la recherche que nous nous proposons. Par exemple, pour concevoir la formation d’un globe, je conçois à mon gré une cause quelconque, savoir, un demi-cercle tournant autour de son centre et engendrant ainsi un globe ; sans aucun doute c’est là une idée vraie, et quoique nous sachions que dans la nature aucun globe n’a été produit de cette façon, cependant cette perception est vraie, et nous avons conçu une manière très-facile de former un globe. Il faut remarquer que cette perception affirme la rotation d’un demi-cercle, laquelle affirmation serait fausse, si elle n’était jointe à la conception du globe ou de la cause déterminant un pareil mouvement, ou d’une manière absolue, si cette affirmation était isolée ; car alors l’esprit tendrait uniquement à affirmer le seul mouvement du demi-cercle, lequel n’est pas contenu dans la conception du demi-cercle ne se déduit d’aucune cause capable de produire le mouvement.

Ainsi la fausseté consiste en ceci seulement que nous