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DE LA RÉFORME

il n’y a entre l’idée fausse et l’idée fictive d’autre différence que celle-ci : l’idée fictive suppose l’assentiment, c’est-à-dire (comme nous l’avons déjà expliqué dans une note) que tandis que l’esprit est en face des représentations, aucune cause ne s’offre à lui dont il puisse, comme dans le cas de l’idée fictive, conclure que ce qu’il pense ne vient pas des objets extérieurs et n’est guère autre chose qu’un songe fait les yeux ouverts ou dans l’état de veille. Ainsi l’idée fausse se rapporte à l’existence d’une chose dont l’essence est connue, ou bien à cette essence même, de la même manière que l’idée fictive. Se rapporte-t-elle à l’existence de la chose, elle se corrige de la même manière que l’idée fictive dans le même cas. Se rapporte-t-elle à son essence, elle se corrige encore de la même manière que la fiction. Car si la nature de la chose connue suppose nécessairement l’existence, il est impossible que nous nous trompions relativement à son existence ; mais si l’existence de la chose n’est pas une vérité éternelle comme son essence, au contraire, si la nécessité ou l’impossibilité de son existence dépendent des causes externes, alors suivez en tout la marche que nous avons indiquée quand nous traitions de la fiction : ici comme là, l’erreur se corrige de la même manière. Quant à l’idée fausse qui se rapporte à des essences ou à des actions diverses, de telles perceptions sont nécessairement confuses, étant composées de diverses et confuses perceptions de choses qui existent dans la nature, comme quand on persuade aux hommes que des divinités résident dans les forêts, les statues, les brutes, et dans d’autres êtres encore, que l’on trouve des corps dont l’arrangement seul produit l’entendement, que des cadavres raisonnent, marchent, parlent, que Dieu se trompe, et autres choses semblables. Mais les idées qui sont claires et distinctes ne peuvent jamais être fausses ; car les idées de choses qui sont conçues clairement et distinctement sont ou absolument simples ou composées d’idées absolument