sations, des idées, sans rapport avec les choses, à ce point qu’ils la considèrent presque comme un dieu. Ils disent donc que notre âme possède une telle liberté qu’elle a le pouvoir et de nous contraindre et de se contraindre elle-même et de contraindre jusqu’à sa liberté elle-même. En effet, lorsque l’âme a feint quelque chose et qu’elle a donné son assentiment à cette fiction, il ne lui est plus possible de se représenter ou de feindre la même chose d’une manière différente ; et en outre, elle se trouve condamnée à se représenter toutes choses de façon qu’elles soient en accord avec la fiction primitive. C’est ainsi que nos adversaires se trouvent obligés par leur propre fiction d’accepter toutes les absurdités qu’on vient d’énumérer, et que nous ne prendrons pas la peine de combattre par des démonstrations[1]. Nous abandonnerons l’erreur à son délire, mais nous aurons soin de recueillir de cette argumentation quelque vérité qui importe à notre objet : c’est à savoir, que si l’esprit applique son attention à une chose feinte et fausse de sa nature, pour la considérer, la comprendre, et en déduire régulièrement les vérités qu’on en peut inférer, il lui sera facile de mettre à découvert sa fausseté ; au contraire, que l’idée feinte soit vraie de sa nature, et que l’esprit s’y applique pour la comprendre et en déduire régulièrement les vérités qui en découlent, il procédera heureusement de déduction en déduction, sans que la chaîne se rompe, à peu près comme nous avons vu tout à l’heure qu’il mettait aussitôt en pleine lumière l’absurdité de la fiction fausse et de ses conséquences.
Nous n’avons donc pas à craindre de feindre une
- ↑ Je semble conclure cela de l’expérience ; et peut-être refuserait-on d’y croire, faute de preuve ; si l’on en veut une absolument, la voici : Il n’existe rien dans la nature qui n’obéisse à ses lois ; et comme tout arrive par elles dans un invincible enchaînement, de façon que chaque chose produise suivant des lois déterminées des effets déterminés, il s’ensuit que l’esprit, aussitôt qu’il possède la vraie conception d’une chose, reproduit objectivement la série de ses effets. Voyez plus bas le passage où je parle de l’idée fausse.