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DE L’ENTENDEMENT.

ceptions la meilleure, celle par laquelle nous pourrons atteindre à la perfection de notre nature. Nous avons vu, en troisième lieu, dans quelle voie notre esprit doit d’abord entrer pour bien commencer ; nous avons dit qu’il devait procéder à la recherche de la vérité, en prenant pour règle la première idée vraie qui lui serait donnée, et en poursuivant sa recherche selon des lois déterminées. Or, pour cela, il faut que la méthode satisfasse aux conditions suivantes : premièrement, qu’elle distingue l’idée vraie de toutes les autres perceptions, et qu’elle écarte l’esprit de toutes ces perceptions ; secondement, qu’elle trace des règles qui enseignent à percevoir les choses inconnues à l’image des idées vraies ; troisièmement, qu’elle ordonne les choses de telle façon que l’esprit ne s’épuise pas en efforts inutiles. Cette méthode bien connue, nous avons vu, en quatrième lieu, qu’elle serait parfaite du moment que nous serions en possession de l’idée de l’Être absolument parfait. C’est donc une remarque qui doit être faite dès le commencement qu’il nous faut arriver par le chemin le plus court possible à la connaissance d’un tel être.

Commençons par la première partie de la méthode, qui consiste, comme nous l’avons dit, à distinguer, à séparer l’idée vraie de toutes les autres perceptions, et à en tenir l’esprit écarté, de peur qu’il ne confonde les idées fausses, les idées fictives, les idées douteuses avec les idées vraies. J’ai dessein de m’étendre longuement sur ce point ; c’est que je veux retenir longtemps l’esprit des lecteurs dans la considération d’une chose aussi nécessaire ; c’est encore qu’il est beaucoup d’hommes qui doutent même des idées vraies, parce qu’ils n’ont jamais fait attention à la différence qui distingue la perception vraie de toutes les autres perceptions. Ils ressemblent à des hommes qui, pendant qu’ils veillaient, ne doutaient point qu’ils ne veillassent, mais qui, s’étant imaginé une fois en songe, comme cela arrive, qu’ils veillaient, et ayant reconnu ensuite leur erreur, se prennent à douter même