Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome III.djvu/312

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
312
DE LA RÉFORME

il peut, en se gouvernant, s’épargner de vains efforts. Or, c’est en cela que consiste la méthode tout entière, comme nous l’avons dit. Ajoutez que l’idée est objectivement ce qu’est son objet réellement. Si donc vous admettez dans la nature une chose qui n’ait aucun rapport avec les autres choses, et si vous posez en même temps son essence objective, comme l’essence objective doit représenter exactement l’essence formelle, elle n’aura aucun rapport[1] avec les autres idées de notre esprit, c’est-à-dire que nous n’en pourrons tirer aucune conclusion ; au contraire, les choses qui soutiennent des rapports avec les autres choses, comme sont tous les objets qui existent dans la nature, seront comprises par l’esprit, et en même temps leurs essences objectives soutiendront entre elles les mêmes rapports que leurs objets entre eux, c’est-à-dire que nous déduirons de ces idées d’autres idées qui à leur tour soutiendront certains rapports ; et c’est ainsi que, nos instruments se multipliant, nous pourrons marcher en avant ; ce que nous voulions démontrer. De cette dernière proposition que nous venons d’énoncer, savoir, que l’idée doit représenter exactement l’essence formelle de l’objet, il résulte encore évidemment que notre esprit, pour reproduire une image fidèle de la nature, doit déduire toutes ses idées de celle qui reproduit l’origine et la source de la nature tout entière, afin qu’elle devienne elle-même la source de toutes les autres idées.

On s’étonnera peut-être qu’après avoir dit que la bonne méthode est celle qui enseigne à diriger l’esprit sous la loi de l’idée vraie, nous l’ayons prouvé par le raisonnement, ce qui semble montrer que ce n’est pas une chose évidente d’elle-même. On pourra donc nous demander si nous raisonnons bien. Si nous raisonnons bien, nous devrons prendre pour point de départ une idée vraie, et comme, pour être sûr qu’on a pris pour point de départ une idée vraie, il faut une démons-

  1. Avoir des rapports avec les autres choses, c’est être produit par elles ou les produire.