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DE LA RÉFORME

sache ; d’où il suit évidemment que la certitude n’est autre chose que l’essence objective de l’objet, je veux dire que la manière dont nous sentons l’essence formelle de l’objet est la certitude elle-même ; d’où il suit encore évidemment qu’il suffit pour reconnaître la certitude de la vérité, d’avoir l’idée vraie de l’objet, et qu’il n’est besoin d’aucun autre signe ; car, ainsi que nous l’avons montré, il n’est pas nécessaire, pour savoir, que je sache que je sais. D’où il suit encore évidemment que celui-là seul sait ce qu’est la suprême certitude qui possède l’idée adéquate ou l’essence objective de quelque chose, la certitude et l’essence objective ne faisant qu’un. Mais puisque l’homme n’a besoin d’aucun signe pour reconnaître la vérité, et qu’il lui suffit de posséder les essences objectives des choses, ou, ce qui revient au même, les idées, pour bannir le doute loin de lui, il s’ensuit que la vraie méthode ne consiste pas à rechercher le signe de la vérité, les idées une fois acquises, mais que la vraie méthode enseigne dans quel ordre nous devons chercher[1] la vérité elle-même, ou les essences objectives des choses, ou les idées, toutes expressions synonymes. La méthode doit nécessairement traiter de la faculté de raisonner et de la faculté de concevoir : je veux dire que la méthode n’est pas le raisonnement lui-même par lequel nous concevons les causes des choses, et qu’elle est encore bien moins la conception même de ces causes. Toute la méthode se réduit à comprendre ce qu’est l’idée vraie, à la distinguer de toutes les perceptions qui ne sont pas elle, à interroger sa nature, et à connaître par là la puissance de notre intelligence, et à gouverner tellement notre esprit qu’il comprenne tout ce qu’il lui est donné de comprendre selon la loi que nous lui faisons, en lui dictant, pour l’aider, certaines règles bien déterminées et en lui évitant d’inutiles efforts. D’où il suit, en résumant ce qui

  1. J’explique dans ma Philosophie ce que c’est pour l’esprit que chercher.