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DE LA RÉFORME

par la nature même et par les propriétés de la proposition, que le produit du premier nombre par le quatrième est égal au produit du second par le troisième ; mais ils ne voient pas la proportionnalité adéquate des nombres donnés, ou s’ils la voient, ils ne la voient point par la vertu de la proposition d’Euclide, mais bien par intuition et sans faire aucune opération. Or, pour choisir parmi ces divers modes de perception le meilleur, nous avons besoin d’énumérer rapidement les moyens nécessaires pour atteindre la fin que nous nous proposons ; ce sont les suivants :

I. Connaître notre nature, puisque c’est elle que nous désirons perfectionner, et connaître aussi la nature des choses, mais autant seulement qu’il nous est nécessaire ;

II. Rassembler par ce moyen les différences, les ressemblances et les oppositions des choses ;

III. Savoir ainsi véritablement ce qu’elles peuvent et ce qu’elles ne peuvent point pâtir ;

IV. Et comparer ce résultat avec la nature et la puissance de l’homme. On verra ainsi le degré suprême de la perfection à laquelle il est donné à l’homme de parvenir.

Après ces considérations, il nous reste à chercher quel est le mode de perception que nous devons choisir.

Premier mode. Il est évident de soi-même que le ouï-dire ne nous donne jamais des choses qu’une connaissance fort incertaine, et qu’il n’atteint jamais leur essence, comme cela est manifeste dans l’exemple que nous avons donné ; or l’on ne connaît l’existence propre de chaque chose qu’à la condition de connaître son essence, comme on le verra dans la suite : j’en conclus que toute certitude obtenue par ouï-dire doit être bannie du domaine de la science. Car le simple ouï-dire, sans un développement préalable de l’entendement de chacun, ne peut faire d’impression sur personne.

Deuxième mode. On ne peut pas même dire de ce