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nature de Dieu jouit d’une perfection infinie accompagnée (par la Propos. 3, part. 2) de l’idée de soi-même, à titre de cause (par la Propos. 11 et l’Ax. 1, part. 1). Or, c’est cela même que nous avons appelé amour intellectuel dans le Coroll. de la Propos. 32, part. 5.

PROPOSITION XXXVI

L’amour intellectuel de l’âme pour Dieu est l’amour même que Dieu éprouve pour soi, non pas en tant qu’infini, mais en tant que sa nature peut s’exprimer par l’essence de l’âme humaine considérée sous le caractère de l’éternité, en d’autres termes, l’amour intellectuel de l’âme pour Dieu est une partie de l’amour infini que Dieu a pour soi-même.

Démonstration : Cet amour de l’âme doit être rapporté à l’activité de l’âme (par le Coroll. de la Propos. 32, part. 5, et la Propos. 3, part. 3). Cet amour est donc une action par laquelle l’âme se contemple soi-même, et qui est accompagné de l’idée de Dieu, à titre de cause (par la Propos. 32, part. l, et son Coroll.) ; en d’autres termes (par le Coroll. de la Propos. 25, part. l, et celui de la Propos. 11, part. 2), une action par laquelle Dieu, en tant qu’il peut être exprimé par l’âme humaine, se contemple soi-même, et qui est accompagnée de l’idée de soi-même ; par conséquent (en vertu de la Propos. précéd.), cet amour de l’âme est une partie de l’amour infini que Dieu a pour soi-même. C. Q. F. D.

Corollaire : Il résulte de là que Dieu, en tant qu’il s’aime lui-même, aime aussi les hommes, et par conséquent que l’amour de Dieu pour les hommes et l’amour intellectuel des hommes pour Dieu ne sont qu’une seule et même chose.

Scholie : Ceci nous fait clairement comprendre en quoi consistent notre salut, notre béatitude, en d’autres termes notre liberté, savoir, dans un amour constant et éternel pour Dieu, ou si l’on veut, dans l’amour de Dieu pour nous. Les saintes Ecritures donnent à cet amour, à cette béatitude, le nom de gloire, et c’est avec raison. Que l’on rapporte en effet cet amour, soit à Dieu, soit à l’âme,