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Si l’homme en tant que libre, employait quelque mauvaise ruse, il agirait de la sorte par le commandement de la raison (car c’est à cette condition seule que nous l’appelons libre) ; et, par conséquent, employer une mauvaise ruse, ce serait vertu (par la Propos. 24, part. 4). D’où il résulterait (par la même Propos.) qu’il serait plus utile aux hommes, pour la conservation de leur être, d’agir par mauvaise ruse que de bonne foi ; ce qui revient évidemment à dire qu’il serait utile aux hommes de s’accorder seulement en paroles, mais, dans le fait, de se mettre en opposition les uns avec les autres ; conséquence absurde (par le Coroll. de la Propos. 31, part. 4). Donc l’homme libre, etc. C. Q. F. D.

Scholie : On me demandera peut-être si un homme qui peut se délivrer, par une perfidie, d’un péril qui menace présentement sa vie, ne trouve point le droit d’être perfide dans celui de conserver son être ? Je réponds que si la raison conseillait dans ce cas la perfidie, elle la conseillerait à tous les hommes : d’où il résulte que la raison conseillerait à tous les hommes de ne convenir que par perfidie d’unir leurs forces et de vivre sous le droit commun, c’est-à-dire à ne pas avoir de droit commun, ce qui est absurde.


PROPOSITION LXXIII

L’homme qui se dirige d’après la raison est plus libre dans la cité où il vit sous la loi commune, que dans la solitude où il n’obéit qu’à lui-même.

Démonstration : L’homme qui se dirige d’après la raison n’obéit point à la loi par crainte (par la Propos. 63, part. 4), mais en tant qu’il s’efforce de conserver son être suivant la raison, c’est-à-dire (par le Schol. de la Propos. 66, part. 4) de vivre libre, il désire se conformer à la règle de la vie et de l’utilité communes (par la Propos. 37, part. 4), et conséquemment (comme on l’a montré dans le Schol. 2 de la Propos. 37, part. 4), il désire vivre selon les lois communes de la cité. Ainsi donc l’homme qui se dirige d’après la raison désire, pour vivre plus libre, se conformer aux lois de la cité. C. Q. F. D.

Scholie : Toutes