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La haine ne peut jamais être bonne.

Démonstration : Quand nous haïssons une personne, nous nous efforçons de la détruire (par la Propos. 39, part. 3), c’est-à-dire (par la Propos. 37, part. 4) de faire une chose qui est mauvaise. Donc, etc. C. Q. F. D.

Scholie : On remarquera que, dans cette Proposition comme dans les précédentes, j’entends par haine une passion qui a les hommes pour objet.

Corollaire I : L’envie, la dérision, le mépris, la haine, la vengeance, toutes les passions qui se rapportent à la haine ou qui en proviennent sont mauvaises, conséquence qui résulte aussi des Propos. 37, part. 4, et 39, part. 3.

Corollaire II : Tout ce que nous désirons par l’effet de la haine est honteux et, dans l’État, contraire à la justice. C’est ce qui résulte également de la Propos. 39, part. 3, et de la Défin. des choses honteuses et injustes (voyez le Schol. de la Propos. 37, part. 4).

Scholie : Entre la dérision (que j’ai appelée passion mauvaise dans le Coroll. 1) et le rire, je reconnais une grande différence ; car le rire, comme le badinage, est un pur sentiment de joie ; par conséquent il ne peut avoir d’excès et de soi il est bon (par la Propos. 41, part. 4). En quoi, en effet, est-il plus convenable de soulager sa faim ou sa soif que de chasser la mélancolie ? Telle est du moins ma manière de voir, quant à moi, et j’ai disposé mon esprit en conséquence. Aucune divinité, ni qui que ce soit, excepté un envieux, ne peut prendre plaisir au spectacle de mon impuissance et de mes misères, et m’imputer à bien les larmes, les sanglots, la crainte, tous ces signes d’une âme impuissante. Au contraire, plus nous avons de joie, plus nous acquérons de perfection ; en d’autres termes, plus nous participons nécessairement à la nature divine. Il est donc d’un homme sage d’user des choses de la vie et d’en jouir autant que possible (pourvu que cela n’aille pas jusqu’au dégoût, car alors ce n’est plus jouir). Oui, il est d’un homme sage de