Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome III.djvu/220

Cette page n’a pas encore été corrigée

en même temps la forme du corps humain, et conséquemment dispose le corps (par les Post. 3 et 6, part. 2) à être affecté de plusieurs manières, et à affecter de plusieurs manières les corps extérieurs, cela, dis-je, est bon (par la Propos. précéd.). De plus, toute chose qui donne aux parties du corps humain un autre rapport de mouvement et de repos donne au corps humain une autre forme ou essence (par la même Déf., part. 2), c’est-à-dire (comme cela est de soi évident, et comme on en a prévenu d’ailleurs à la fin de la Préface de la quatrième partie) détruit le corps humain, et le rend par conséquent incapable d’être affecté de plusieurs manières, d’où il suit que cette chose est mauvaise (par la Propos. précéd.). C. Q. F. D.

Scholie : On expliquera dans la cinquième partie jusqu’à quel point tout cela peut nuire au corps ou lui être utile. Je ferai seulement remarquer ici que j’entends par la mort du corps humain une disposition nouvelle de ses parties, par laquelle elles ont à l’égard les unes des autres de nouveaux rapports de mouvement et de repos ; car je n’ose pas nier que le corps humain ne puisse, en conservant la circulation du sang et les autres conditions ou signes de la vie, revêtir une nature très différente de la sienne. Je n’ai en effet aucune raison qui me force à établir que le corps ne meurt pas s’il n’est changé en cadavre, l’expérience paraissant même nous persuader le contraire. Il arrive quelquefois à un homme de subir de tels changements qu’on ne peut guère dire qu’il soit le même homme. J’ai entendu conter d’un poète espagnol qu’ayant été atteint d’une maladie, il resta, quoique guéri, dans un oubli si profond de sa vie passée qu’il ne reconnaissait pas pour siennes les fables et les tragédies qu’il avait composées ; et certes on aurait pu le considérer comme un enfant adulte, s’il n’avait gardé souvenir de sa langue maternelle. Cela paraît-il incroyable ? Que dire alors des enfants ? Un homme d’un âge avancé n’a-t-il pas une nature si différente de celle de