Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome III.djvu/218

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par la Propos. 7, part. 4, et la Propos. 39, part. 3, qui portent qu’aucune passion ne peut être empêchée que par une passion contraire et plus forte, et que chacun s’abstient de faire du mal à autrui par crainte de recevoir un mal plus grand. La société pourra donc s’établir à cette condition qu’elle disposera du droit primitif de chacun de venger ses injures et de juger de ce qui est bien et de ce qui est mal, et qu’elle aura aussi le pouvoir de prescrire une manière commune de vivre, et de faire des lois, en leur donnant pour sanction, non pas la raison, qui est incapable de contenir les appétits (par le Schol. de la Propos. 17, part. 4), mais la menace d’un châtiment. Cette société, fondée sur les lois et sur le pouvoir qu’elle a de se conserver, c’est l’État ; et ceux qu’elle couvre de la protection de son droit, ce sont les citoyens. Nous voyons clairement par ces principes que dans l’état de nature il n’y a rien qui soit bon ou mauvais par le consentement universel, puisqu’alors chacun ne songe qu’à son utilité propre, et suivant qu’il a telle constitution et telle idée de son intérêt particulier, décide de ce qui est bon et de ce qui est mauvais, et n’est tenu d’obéir à nul autre qu’à soi-même ; de telle sorte que, dans l’état de nature, il est impossible de concevoir le péché. Mais il en va tout autrement dans l’état de société, où le consentement universel a déterminé ce qui est bien et ce qui est mal, et où chacun est tenu d’obéir à l’État. Le péché consiste donc tout simplement dans la désobéissance, laquelle est punie conséquemment par le seul droit de l’État ; et l’obéissance au contraire est un mérite pour le citoyen, en ce qu’elle le fait juger digne de jouir des avantages de la société. De plus, dans l’état de nature, personne n’est, du consentement commun, le maître d’aucune chose, et il n’y a rien dans la nature dont on puisse dire qu’elle appartienne à tel homme et non à tel autre. Toutes choses sont à tous, et par conséquent il est impossible de concevoir dans l’état de nature la volonté de rendre à chacun son droit, ou de