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que l’essence de l’âme enveloppe une plus grande connaissance de Dieu, l’homme vertueux désire avec plus de force pour les autres le bien qu’il désire pour lui-même. C. Q. F. D.

Autre démonstration : Le bien que l’homme désire et aime pour lui, il l’aimera d’une façon plus ferme (par la Propos. 31, part. 3), s’il voit que les autres l’aiment aussi ; et conséquemment (par le Coroll. de cette même Propos.) il fera effort pour que les autres l’aiment aussi ; et comme ce bien est commun à tous (par la Propos. précéd.) et que tous en peuvent jouir, il s’ensuit qu’il fera effort (par la même raison) pour que tous en jouissent, et cela avec d’autant plus de force (par la Propos. 37, part. 3) que lui-même jouira davantage de ce bien.

Scholie I : Celui qui fait effort, uniquement par passion, pour que les autres aiment ce qu’il aime et pour qu’ils vivent à son gré, celui-là, n’agissant de la sorte que sous l’empire d’une aveugle impulsion, devient odieux à tout le monde, surtout à ceux qui ont d’autres goûts que les siens et s’efforcent en conséquence à leur tour de les faire partager aux autres. De plus, comme le bien suprême que la passion fait désirer aux hommes est souvent de nature à ne pouvoir être possédé que par un seul, il en résulte que les amants ne sont pas toujours d’accord avec eux-mêmes, et, tout en prenant plaisir à célébrer les louanges de l’objet aimés craignent de persuader ceux qui les écoutent. Au contraire, ceux qui s’efforcent de conduire les autres par la raison n’agissent point avec impétuosité, mais avec douceur et bienveillance, et ceux-là sont toujours d’accord avec eux-mêmes.

Tout désir, toute action dont nous sommes nous-mêmes la cause en tant que nous avons l’idée de Dieu, je les rapporte à la religion. J’appelle piété le désir de faire du bien dans une âme que la raison conduit. Le désir de s’unir aux autres par les liens de l’amitié, quand il possède une âme qui se gouverne par la raison, je le nomme honnêteté, et l’honnête est pour moi ce qui est l’objet