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désir, tous les efforts, mouvements, appétits, volitions qui varient avec les divers états d’un même homme, et souvent sont si opposés les uns aux autres que l’homme, tiré en mille sens divers, ne sait plus quelle direction il doit suivre.


DÉFINITION II

La joie est le passage d’une moindre perfection à une perfection plus grande.


DÉFINITION III

La tristesse est le passage d’une perfection plus grande à une moindre perfection.

Explication : Je dis que la joie est un passage à la perfection. En effet, elle n’est pas la perfection elle-même. Si l’homme, en effet, naissait avec cette perfection où il passe par la joie, il ne ressentirait aucune joie à la posséder ; et c’est ce qui est plus clair encore pour l’affection opposée, la tristesse. Car personne ne peut nier que la tristesse ne consiste dans le passage à une moindre perfection, et non dans cette perfection elle-même, puisqu’il est visiblement impossible que l’homme, de ce qu’il participe à une certaine perfection, en ressente de la tristesse. Et nous ne pouvons pas dire que la tristesse consiste dans la privation d’une perfection plus grande ; car une privation, ce n’est rien. Or, la passion de la tristesse étant une chose actuelle ne peut donc être que le passage actuel à une moindre perfection, en d’autres termes, un acte par lequel la puissance d’agir de l’homme est diminuée ou empêchée (voir le Schol. de la Propos. 11, partie 3). Du reste, j’omets ici les définitions de l’hilarité, du chatouillement, de la mélancolie et de la douleur, parce qu’elles se rapportent principalement au corps et ne sont que des espèces de joie et de tristesse.


DÉFINITION IV

L’admiration est cette façon d’imaginer un objet qui attache l’âme exclusivement par le caractère singulier de cette représentation qui ne ressemble à aucune autre (voy. Propos. 52 et son Schol.).

Explication : Nous avons montré, dans le Schol. de la Propos. 18, partie 2, par quelle cause l’âme va de la contemplation d’un certain objet à la pensée d’un autre objet, savoir, parce que les images de ces objets sont ainsi enchaînés l’une à l’autre et dans un tel ordre que celle-ci suit celle-là. Or cela