Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome III.djvu/164

Cette page n’a pas encore été corrigée

penser de l’âme par la Propos. 11, partie 3, et son Schol.). Par conséquent, en tant que l’âme est attristée, sa puissance de penser, c’est-à-dire (par la Propos. 1, partie 3) d’agir, est diminuée ou empêchée ; par conséquent aucune affection de tristesse ne se peut rapporter à l’âme en tant qu’elle agit, mais seulement les affections de la joie et du désir, lesquelles (par la Propos. précéd.) se rapportent à l’âme sous ce point de vue.

Scholie : Toutes les actions qui résultent de cet ordre d’affections qui se rapportent à l’âme en tant qu’elle pense, constituent la force d’âme. Il y a deux espèces de force d’âme, savoir : l’intrépidité et la générosité. J’entends par intrépidité, ce désir qui porte chacun de nous à faire effort pour conserver son être en vertu des seuls commandements de la raison. J’entends par générosité, ce désir qui porte chacun de nous, en vertu des seuls commandements de la raison, à faire effort pour aider les autres hommes et se les attacher par les liens de l’amitié. Ainsi donc, ces actions qui ne tendent qu’à l’intérêt particulier de l’agent, je les rapporte à l’intrépidité, et à la générosité celles qui tendent en outre à l’intérêt d’autrui. De cette façon, la tempérance, la sobriété, la présence d’esprit dans le danger, etc., sont des espèces particulières d’intrépidité ; la modestie, la clémence, etc., sont des espèces, de générosité.

Il me semble maintenant que j’ai expliqué par ce qui précède les principales passions de l’âme, et ces fluctuations intérieures qui naissent des combinaisons diverses des trois passions primitives, le désir, la joie et la tristesse ; et je crois avoir ramené tous ces phénomènes à leurs premiers principes. On voit par là que nous sommes agités en mille façons par les causes extérieures ; et, comme les flots de la mer soulevés par des vents contraires, notre âme flotte entre les passions, dans l’ignorance de l’avenir et de sa destinée.