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content de sa nature et y trouve son bonheur, cette vie, ce bonheur ne sont autre chose que l’idée ou l’âme de ce même individu, et c’est pourquoi il y a entre le bonheur de l’un et celui de l’autre autant de diversité qu’entre leurs essences. Enfin, il résulte aussi de la Proposition précédente que la différence n’est pas médiocre entre le bonheur que peut ressentir un ivrogne et celui qui est goûté par un philosophe, et c’est une remarque que j’ai tenu à faire ici en passant. Voilà ce que j’avais à dire des affections qui se rapportent à l’homme en tant qu’il pâtit. Il me reste à ajouter quelques mots sur celles qui se rapportent à l’homme en tant qu’il agit.


PROPOSITION LVIII

Outre cette joie et ce désir qui sont des affections passives, il y a d’autres joies et d’autres désirs qui se rapportent à nous en tant que nous agissons.

Démonstration : Quand l’âme se conçoit elle-même et sa puissance d’action, elle se réjouit (par la Propos. 53, partie 3) : or l’âme se contemple nécessairement elle-même quand elle conçoit une idée vraie ou adéquate (par la Propos. 43, partie 2.). D’un autre côté, l’âme conçoit quelques idées adéquates (par le Schol. 2 de la Propos. 40, partie 2). Donc elle se réjouit en tant qu’elle conçoit des idées adéquates, c’est-à-dire (par la Propos. 1, partie 3) en tant qu’elle agit. En outre, l’âme, en tant qu’elle a des idées soit claires et distinctes, soit confuses, fait effort pour persévérer dans son être (par la Propos. 9, part. 3) : or, cet effort pour nous, c’est le désir (par le Schol. de cette même Propos.). Donc le désir se rapporte aussi en nous, en tant que nous pensons, c’est-à-dire (par la Propos. 1, partie 3) en tant que nous agissons. C. Q. F. D.


PROPOSITION LIX

Entre toutes les passions qui se rapportent à l’âme, en tant qu’elle agit, il n’en est aucune qui ne se rapporte à la joie ou au désir.

Démonstration : Toutes les passions se rapportent au désir, à la joie ou à la tristesse ; les définitions que nous avons données plus haut l’établissent ; or, nous entendons par tristesse ce qui diminue ou empêche la puissance de