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qu’elle est absolument infinie, comme vous l’avons déjà affirmé dans le Scholie de la Proposition 10.

Corollaire 2. Il s’ensuit : 2° Que la chose étendue et la chose pensante sont des attributs de Dieu, ou (par l’Axiome 1) des affections des attributs de Dieu.

Proposition 15

Tout ce qui est, est en Dieu, et rien ne peut être, ni être conçu sans Dieu.

Démonstration : Hors de Dieu (par la Propos. 14), il n’existe et on ne peut concevoir aucune substance, c’est-à-dire (par la Déf. 3) aucune chose qui existe en soi et se conçoive par soi. Or les modes (par la Déf. 5) ne peuvent être, ni être conçus sans la substance, et par conséquent ils ne peuvent être, ni être conçus que dans la seule nature divine. Mais si vous ôtez les substances et les modes, il n’y a plus rien (par l’Axiome 1). Donc rien ne peut être, ni être conçu sans Dieu. C. Q. F. D.

Scholie : On se représente souvent Dieu comme formé, à l’image de l’homme, d’un corps et d’un esprit, et sujet, ainsi que l’homme, aux passions. Ce qui précède montre assez, sans doute, combien de telles pensées s’éloignent de la vraie connaissance de Dieu. Mais laissons cette sorte d’erreur ; car tous ceux qui ont un peu considéré la nature divine nient que Dieu soit corporel, et ils prouvent fort bien leur sentiment en disant que nous entendons par corps toute quantité qui a longueur, largeur et profondeur, et qui est terminée par une certaine figure, ce qui ne peut se dire de Dieu, l’être absolument infini, sans la dernière absurdité. Mais tout en faisant ce raisonnement, ils y joignent d’autres preuves qui font voir clairement que, dans leur opinion, la substance corporelle ou étendue est entièrement séparée de la nature divine et qu’elle a été créée par Dieu. Par quelle espèce de puissance divine a-t-elle été créée, c’est ce qu’ils ignorent. Et cela prouve bien qu’ils n’entendent pas ce qu’ils disent. Pour moi, j’ai, ce me semble, prouvé assez clairement (voyez le Coroll. de la Propos. 6, et le Scholie 2 de la Propos. 8) qu’aucune substance ne peut être produite