Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome III.djvu/158

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par ce qui a été dit dans le Schol. 1 de la Propos. 40, partie 2), il est d’autant plus joyeux qu’il distingue davantage ses propres actions de celles d’autrui et les peut mieux considérer comme des choses singulières. Par conséquent, le plaisir le plus grand que l’on puisse trouver dans la contemplation de soi-même c’est d’y considérer quelque qualité qui ne se rencontre pas dans le reste des hommes. Si donc ce qu’on affirme de soi-même se rapporte à l’idée universelle de l’homme ou de l’animal, la joie qu’on éprouve en sera beaucoup moins vive ; et l’on ressentira même de la tristesse si l’on se représente ses propres actions comme inférieures à celles d’autrui. Or, cette tristesse, on ne manquera pas de faire effort pour s’en délivrer (par le Propos. 28, partie 3), et le moyen d’y parvenir, ce sera d’expliquer les actions d’autrui de la manière la plus défavorable et de relever autant que possible les siennes propres. On voit donc que les hommes sont naturellement enclins à la haine et à l’envie ; et l’éducation fortifie encore ce penchant, car c’est l’habitude des parents d’exciter les enfants à la vertu par le seul aiguillon de l’honneur et de l’envie. On pourrait cependant objecter ici que nous admirons souvent les actions des autres hommes et les entourons de nos respects. Pour dissiper ce scrupule, j’ajouterai le Corollaire qui va suivre.

Corollaire : Personne ne conçoit d’envie pour la vertu, si ce n’est dans son égal.

Démonstration : L’envie, c’est la haine elle-même (voyez le Schol. de la Propos. 24, partie 3), c’est-à-dire (par le Schol. de la Propos. 13, partie 3) une tristesse ou une affection par laquelle (voyez le Schol. de la Propos. 11, partie 3) la puissance d’agir de l’homme se trouve empêchée. Or, l’homme ne s’efforce et ne désire d’accomplir d’autres actions que celles qui peuvent résulter de sa nature déterminée (par le Schol. de la Propos. 9,. partie 3). En conséquence, personne ne désirera jamais affirmer de soi-même aucune puissance ou (ce qui est la même chose) aucune vertu