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et s’efforcera (par la Propos. 26, partie 3) de se rappeler et de tourner contre cette personne (par la Propos. 39, partie 3) tout ce qui peut lui être une cause du tristesse. Or (par hypothèse), ce qu’elle imagine tout d’abord, c’est le mal qu’on a voulu lui faire ; ce sera donc ce même mal qu’elle s’efforcera de rendre à qui le lui destinait. C. Q. F. D.

Scholie : L’effort que nous faisons pour causer du mal à l’objet de notre haine se nomme colère ; celui que nous faisons pour rendre le mal qu’on nous a causé, c’est la vengeance.


PROPOSITION XLI

Celui qui imagine qu’il est aimé d’une certaine personne, et croit ne lui avoir donné aucun sujet d’amour (ce qui peut arriver, en vertu du Corollaire de la Propos. 15 et de la Propos. 16, partie 3), aimera à son tour cette personne.

Démonstration : Cette proposition se démontre par la même voie que la précédente. (Voyez aussi le Schol. de celle-ci.)

Scholie : Que si celui dont nous parlons croit avoir donné à la personne qui l’aime un juste sujet d’amour, il se glorifiera (par la Propos. 30 et son Schol., partie 3) ; et c’est là ce qui arrive le plus fréquemment (par la Propos. 25, partie 3), le cas contraire étant celui où l’on se croit l’objet de la haine d’autrui (voy. le Schol. de la précédente Propos.). Or, cet amour réciproque et l’effort qui en est la suite (par la Propos. 39, partie 3) pour faire du bien qui nous aime et veut ainsi nous faire du bien se nomme reconnaissance ou gratitude ; d’où l’on voit que les hommes sont beaucoup plus disposés à se venger d’autrui qu’à lui faire du bien.

Corollaire II : Celui qui croit être aimé d’une personne qu’il déteste sera combattu entre la haine et l’amour. Cela se démontre par la même voie que le premier Corollaire de la Propos. précédente.

Scholie : Si la haine domine, il s’efforcera de faire du mal à l’objet dont il est aimé ; et c’est là la passion qu’on nomme cruauté, surtout quand on croit que celui qui aime n’a donné à l’autre aucun