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de la haine ou de l’amour, est d’autant plus grand que la passion qui l’inspire est plus grande.

Démonstration : La tristesse diminue ou empêche (par le Schol. de la Propos. 11, partie 3) la puissance d’action de l’homme, c’est-à-dire (par la Propos. 7, partie 3) l’effort de l’homme pour persévérer dans son être ; et en conséquence (par la Propos. 5, partie 3) elle est contraire à cet effort ; et dès lors, tout l’effort d’un homme saisi de tristesse, c’est d’écarter de soi cette passion. Or (par la Déf. de la tristesse), plus la tristesse est grande, plus est grande aussi nécessairement la partie de la puissance d’action de l’homme à laquelle elle est opposée. Donc. plus la tristesse est grande, plus grande sera la puissance d’action déployée par l’homme pour écarter de soi cette passion ; c’est-à-dire (par le Schol. de la Propos. 9, partie 3), plus grand sera le désir ou l’appétit qui le poussera à éloigner la tristesse. De plus, comme la joie (par le même Schol. de la Propos. 9, partie 3) augmente ou favorise la puissance d’action de l’homme, on démontrerait aisément par la même voie qu’un homme saisi de joie ne désire rien autre chose que de la conserver, et cela d’un désir d’autant plus grand que la joie qui l’anime est plus grande. Enfin, comme la haine et l’amour sont des passions liées à la joie et à la tristesse, il s’ensuit par la même démonstration que l’effort, l’appétit ou le désir qui naît de la haine ou de l’amour croit en raison de cette haine et de cet amour mêmes. C. Q. F. D.


PROPOSITION XXXVIII

Celui qui commence de prendre en haine l’objet aimé, de façon que son amour en soit bientôt complètement éteint, s’il vient d’avoir contre lui un motif de haine, il ressentira une haine plus grande que s’il ne l’eût jamais aimé ; et, plus grand a été l’amour, plus grande sera la haine.

Démonstration : Dans l’âme de celui qui prend en haine l’objet jusqu’alors aimé, il y a plus d’appétits dont le développement est empêché, que s’il ne l’eût jamais aimé. Car l’amour est un sentiment de joie (par le Schol. de la Propos. 13, partie 3) que l’homme, autant qu’il est en lui, s’efforce