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de la joie à celui qu’il hait (par la Propos. 24, partie 3), et par cela aussi qu’il est forcé de joindre l’image de l’objet aimé à l’image de celui qu’il hait (par le Corollaire de la Propos. 15, partie 3). C’est ce qui se rencontre le plus souvent dans l’amour qu’inspirent les femmes ; car celui qui se représente que la femme qu’il aime se prostitue à un autre est saisi de tristesse, non parce que son appétit trouve un obstacle ; mais parce qu’il est forcé de joindre à l’image de l’objet aimé celle des parties honteuses et des excréments de son rival, il conçoit de l’aversion pour l’objet aimé ; joignez à cela que le jaloux n’est pas reçu de l’objet aimé du même visage que d’habitude, nouvelle cause de tristesse pour l’amant, comme je le montrerai tout à l’heure.


PROPOSITION XXXVI

Celui qui se souvient d’un objet qui une fois l’a charmé désire le posséder encore, et avec les mêmes circonstances.

Démonstration : Tout ce qu’un homme voit en même temps qu’un objet qui l’a charmé est pour lui accidentellement une cause de joie (par la Propos. 15, partie 3), et par conséquent (en vertu de la Propos. 28, partie 3) il désirera posséder tout cela en même temps que l’objet qui l’a charmé ; en d’autres termes, il désirera posséder cet objet avec les mêmes circonstances où il en a joui pour la première fois. C. Q. F. D.

Corollaire : Si donc l’amant s’aperçoit de l’absence d’une de ces circonstances, il en sera attristé.

Démonstration : En effet, en tant qu’il reconnaît le défaut de quelque circonstance, il imagine quelque chose qui exclut l’existence de l’objet qui l’a charmé ; et comme l’amour lui fait désirer cet objet ou cette circonstance (par la Propos. précéd.), en tant qu’il imagine qu’elle lui manque, il est attristé (par la Propos. 19, partie 3). C. Q. F. D.

Scholie : Cette tristesse, en tant qu’elle se rapporte à l’absence de ce que nous aimons, se nomme regret.


PROPOSITION XXXVII

Le désir qui naît de la tristesse ou de la joie,