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la tristesse à l’objet aimé nous cause de la joie ou de la tristesse (par la Propos. 21, Partie 3). Or, notre âme (par la Propos. 12, partie 3) s’efforce, autant qu’il est en elle, d’imaginer ce qui nous cause de la joie, en d’autres termes (par la Propos. 17, partie 2 et son Corollaire), de l’apercevoir comme présent, et au contraire (par la Propos. 13, partie 3), elle s’efforce d’exclure l’existence de ce qui nous cause de la tristesse. Donc, nous nous efforçons d’affirmer, et de nous-mêmes et de l’objet aimé, tout ce que l’imagination nous représente comme une cause de joie pour nous ou pour l’objet aimé ; et au contraire, etc. C. Q. F. D.


PROPOSITION XXVI

Nous nous efforçons d’affirmer de l’objet que nous avons en haine tout ce que nous imaginons lui devoir causer de la tristesse, et d’en nier tout ce que nous imaginons lui devoir causer de la joie.

Démonstration : Cette Proposition suit de la Proposition 23, comme la précédente suit de la Proposition 21, partie 3.

Scholie : Nous voyons par ce qui précède qu’il arrive aisément qu’un homme pense de soi ou de ce qu’il aime plus de bien qu’il ne faut, et au contraire, moins de bien qu’il ne faut de ce qu’il hait. Quand cette pensée regarde la personne même qui pense de soi plus de bien qu’il ne faut, c’est l’orgueil, sorte de délire où l’homme, rêvant les yeux ouverts, se croit capable de toutes les perfections que son imagination lui peut représenter, et les aperçoit dès lors comme des choses réelles, et s’exalte à les contempler, tant qu’il est incapable de se représenter ce qui en exclut l’existence et détermine en certaines limites sa puissance d’agir. L’orgueil, c’est donc la joie qui provient de ce que l’homme pense de soi plus de bien qu’il ne faut. Maintenant, la joie qui provient de ce que l’homme pense d’autrui plus de bien qu’il ne faut, c’est l’estime ; et celle enfin qui provient de ce que l’homme pense d’autrui moins de bien qu’il ne faut, c’est le mépris.


PROPOSITION XXVII

Par cela seul que nous nous représentons un objet qui nous est semblable comme affecté d’une certaine passion,