Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome III.djvu/13

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nous existons, nous, ou bien en nous-mêmes, ou bien en un autre être qui existe nécessairement (voir l'Axiome 4 et la Propos. 7). Donc l’être absolument infini, en d’autres termes (par la Déf. 6) Dieu existe nécessairement. C. Q. F. D.

Scholie : Dans cette dernière démonstration, j’ai voulu établir l’existence de Dieu a posteriori, afin de rendre la chose plus facilement concevable ; mais ce n’est pas à dire pour cela que l’existence de Dieu ne découle a priori du principe même qui a été posé. Car, puisque c’est une puissance que de pouvoir exister, il s’ensuit qu’à mesure qu’une réalité plus grande convient à la nature d’une chose, elle a de soi d’autant plus de force pour exister ; et par conséquent, l’Être absolument infini ou Dieu a de soi une puissance infinie d’exister, c’est-à-dire existe absolument. Et toutefois plusieurs peut-être ne reconnaîtront pas aisément l’évidence de cette démonstration, parce qu’ils sont habitués à contempler exclusivement cet ordre de choses qui découlent de causes extérieures, et à voir facilement périr ce qui naît vite, c’est-à-dire ce qui existe facilement, tandis qu’au contraire ils pensent que les choses dont la nature est plus complexe doivent être plus difficiles à faire, c’est-à-dire moins disposées à l’existence. Mais pour détruire ces préjugés, je ne crois pas avoir besoin de montrer ici en quel sens est vraie la maxime : Ce qui naît aisément périt de même, ni d’examiner s’il n’est pas vrai qu’à considérer la nature entière, toutes choses existent avec une égale facilité. Il me suffit de faire remarquer que je ne parle pas ici des choses qui naissent de causes extérieures, mais des seules substances, lesquelles (par la Propos. 6) ne peuvent être produites par aucune cause de ce genre. Les choses, en effet, qui naissent des causes extérieures, soit qu’elles se composent d’un grand nombre ou d’un petit nombre de parties, doivent tout ce qu’elles ont de perfection ou de réalité à la vertu de la cause qui les produit, et par conséquent leur existence dérive de la perfection de