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peut être affecté d’une impression de joie et de tristesse par l’image d’une chose passée ou future, comme par celle d’une chose présente.

Démonstration : Tant que l’homme est affecté par l’image d’une certaine chose, il la voit comme présente, alors même qu’elle n’existerait pas (par la Propos. 17, partie 2 avec son Corollaire), et il ne l’imagine comme passée ou comme future qu’en tant que son image est jointe à celle d’un temps écoulé ou à venir (voyez le Schol. de la Propos. 44, partie 2). Ainsi donc, l’image d’une chose, prise en soi, est toujours la même, qu’elle se rapporte au passé et à l’avenir, ou bien au présent ; en d’autres termes (par le Corollaire 2 de la Propos. 16, partie 2), l’état ou l’affection du corps sont les mêmes, que l’image se rapporte au passé et à l’avenir ou bien au présent ; et par conséquent la passion de la joie et de la tristesse est la même, que l’image se rapporte au passé et à l’avenir, ou bien au présent. C. Q. F. D.

Scholie I : J’appelle ici une chose, passée ou future, en tant que nous en avons été affectés ou que nous le serons. Par exemple, en tant que nous avons vu ou que nous verrons cette chose, elle a réparé nos forces ou elle les réparera, elle nous a blessés ou nous blessera, etc. En effet, en tant que nous l’imaginons de la sorte nous affirmons son existence ; en d’autres termes, le corps n’est affecté d’aucune passion qui exclue l’existence de la chose qui l’affecte ; et en conséquence (par la Propos. 17, partie 2), le corps est affecté par l’image de cette chose comme si la chose elle-même était présente. Or, comme il arrive presque toujours que les hommes qui ont beaucoup d’expérience éprouvent une certaine fluctuation chaque fois qu’ils aperçoivent une chose comme future ou comme passée, et sont dans une grande incertitude sur ce qui pourra advenir (voy. le Schol. de la Propos. 44, partie 2), il en résulte que les affections nées de semblables images n’ont aucune persistance, mais au contraire sont troublées par les images d’objets différents,