Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome III.djvu/12

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ture de ces objets, mais dans l’ordre de la nature corporelle tout entière ; car il doit résulter de cet ordre, ou bien que déjà le triangle existe nécessairement, ou bien qu’il est impossible qu’il existe encore. Ces principes sont évidents d’eux-mêmes. Or, voici ce qu’on en peut conclure : c’est qu’une chose existe nécessairement quand il n’y a aucune cause ou raison qui l’empêche d’exister. Si donc il est impossible d’assigner une cause ou raison qui s’oppose à l’existence de Dieu ou qui la détruise, il faut dire que Dieu existe nécessairement. Or, pour qu’une telle cause ou raison fût possible, il faudrait qu’elle se rencontrât soit dans la nature divine, soit hors d’elle, c’est-à-dire dans une autre substance de nature différente ; car l’imaginer dans une substance de même nature, ce serait accorder l’existence de Dieu. Maintenant, si vous supposez une substance d’une autre nature que Dieu, n’ayant rien de commun avec lui, elle ne pourra (par la Propos. 2) être cause de son existence ni la détruire. Puis donc qu’on ne peut trouver hors de la nature divine une cause ou raison qui l’empêche d’exister, cette cause ou raison doit donc être cherchée dans la nature divine elle-même, laquelle, dans cette hypothèse, devrait impliquer contradiction. Mais il est absurde d’imaginer une contradiction dans l’être absolument infini et souverainement parfait. Concluons donc qu’en Dieu ni hors de Dieu il n’y a aucune cause ou raison qui détruise son existence, et partant que Dieu existe nécessairement.

Autre Démonstration : Pouvoir ne pas exister, c’est évidemment une impuissance ; et c’est une puissance, au contraire, que de pouvoir exister. Si donc l’ensemble des choses qui ont déjà nécessairement l’existence ne comprend que des êtres finis, il s’ensuit que des êtres finis sont plus puissants que l’être absolument infini, ce qui est de soi parfaitement absurde. Il faut donc, de deux choses l’une, ou qu’il n’existe rien, ou, s’il existe quelque chose, que l’être absolument infini existe aussi. Or