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VIII
LA VIE DE SPINOZA

des juifs, dans une de leurs assemblées publiques. On allumait alors des cierges ou chandelles, qui brûlaient pendant tout le temps que durait la lecture de la sentence d’excommunication ; laquelle étant finie, le rabbin éteignait les cierges, pour marquer par là que ce malheureux homme était abandonné à son sens réprouvé et entièrement privé de la lumière divine. Après une pareille interdiction, il n’était pas permis au coupable de se trouver aux assemblées, même pour s’instruire et pour écouter. Cependant on lui donnait encore un nouveau délai d’un mois, qui s’étendit ensuite jusqu’à deux et trois, dans l’espérance qu’il pourrait rentrer en lui-même et demander pardon de ses fautes ; mais lorsqu’il n’en voulait rien faire, on fulminait enfin la troisième et dernière excommunication.

C’est cette troisième sorte d’excommunication qu’ils appelaient Schammatha. C’était une interdiction ou bannissement de leurs assemblées ou synagogues, sans espérance d’y pouvoir jamais rentrer ; c’était aussi ce qu’ils appelaient d’un nom particulier leur grand anathème ou bannissement. Quand les rabbins le publiaient dans l’assemblée, ils avaient, dans les premiers temps, accoutumé de sonner du cornet, pour répandre ainsi une plus grande terreur dans l’esprit des assistants. Par cette excommunication, le criminel était privé de toute aide et assistance de la part des hommes, aussi bien que des secours de la grâce et de la miséricorde de Dieu, abandonné à ses jugements les plus sévères, et livré pour jamais à une ruine et une condamnation inévitables. Plusieurs estiment que cette excommunication est la même que celle dont il est fait mention en l’Épître I aux Corinthiens, chapitre 16, verset 22, où l’apôtre la nomme Maranatha. Voici le passage : « S’il y a quelqu’un qui n’aime pas le Seigneur Jésus, qu’il soit anathème maharam motha ou maranatha ; » c’est-à-dire qu’il soit anathème ou excommunié à jamais ; ou, suivant l’explication de quelques autres, le Seigneur vient, à savoir, pour juger cet excommunié et pour le punir. Les juifs avancent que le bienheureux Énoch est l’auteur de cette excommunication, et que c’est de lui qu’ils la tiennent, et qu’elle a passé jusqu’à eux par une tradition certaine et incontestable.

À l’égard des raisons pour lesquelles quelqu’un pouvait être excommunié, les docteurs juifs en rapportent deux principales, suivant le témoignage de Lightfoot au lieu même que nous avons