Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/387

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quatre mille enfin pour jouer des instruments (voyez même livre, chap. XXIII, vers 4, 5 ) ? ne les divisa-t-il pas ensuite en cohortes (dont il choisit encore les chefs), afin qu’elles se succédassent chacune à leur tour dans l’administration des choses sacrées (voyez vers. 5 du même chapitre) ? ne partagea-t-il pas les prêtres en un égal nombre de cohortes ? Et pour ne pas consigner ici toutes ces dispositions une à une, je renvoie le lecteur au livre II des Paralipomènes, où il est dit, verset 13, que par l’ordre de Salomon, le culte de Dieu fut célébré dans le temple selon les rites institués par Moïse ; et verset 14, que le même roi (Salomon) répartit aux cohortes des prêtres et des Lévites leurs attributions spéciales d’après les ordres du divin David. Enfin, au verset 15, l’historien affirme qu’on ne s’est pas écarté des règlements dictés par le roi aux prêtres et aux Lévites en aucune chose, et en particulier dans l’administration du trésor. Ne suit-il pas évidemment de tout cela, et en général de l’histoire des rois, que l’exercice de la religion et le ministère sacré dépendaient absolument des ordres du roi ? Quand j’ai dit ci-dessus que les rois n’eurent pas, comme Moïse, le droit d’élire le souverain pontife, de consulter Dieu sans intermédiaire et de condamner les prophètes qui leur prédisaient leur destinée de leur vivant même, j’ai simplement voulu dire que les prophètes, par l’autorité dont ils étaient revêtus, pouvaient élire un nouveau roi et absoudre le parricide, mais non pas appeler un roi prévaricateur en jugement et agir à bon droit contre lui[1]. C’est pourquoi, s’il n’y avait pas eu de prophètes qui pussent, grâce à une révélation particulière, absoudre en toute sûreté le parricide, les rois eussent possédé un pouvoir absolu sur toutes choses, tant sacrées que civiles. Aussi ceux qui sont aujourd’hui à la tête du gouvernement, n’ayant pas et n’étant pas obligés de reconnaître de prophètes parmi le peuple (parce qu’ils ne sont pas

  1. Voyez les Notes marginales de Spinoza, note 35.