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Hébreux. Reste à rechercher maintenant pourquoi les Hébreux ont été si souvent infidèles à la loi, si souvent réduits en servitude, et quelles causes enfin ont amené leur ruine complète. Quelqu’un dira peut-être qu’il faut attribuer cette décadence à l’esprit séditieux de la nation ? Mais cette explication est puérile ; pourquoi en effet la nation juive a-t-elle été plus séditieuse que les autres ? est-ce la nature qui l’a faite ainsi ? Mais la nature ne crée pas des nations, elle crée des individus qui ne se distinguent en différentes nations que par la diversité de la langue, des lois et des mœurs. C’est de ces deux choses seules, les lois et les mœurs, que dérivent pour chaque nation un caractère particulier, une manière d’être particulière, tels ou tels préjugés particuliers. Si donc on devait accorder que les Hébreux ont eu plus que tous les autres hommes l’esprit de sédition, c’est à un vice des lois et des mœurs qu’ils reçurent de leurs législateurs qu’il faudrait l’imputer. Et certes, il est incontestable que si Dieu eût voulu que leur empire eût plus de persistance, il eût donné au peuple d’autres droits, d’autres lois, et institué un autre mode d’administration. Qu’avons-nous donc autre chose à dire, si ce n’est qu’ils eurent contre eux la colère de leur Dieu : non-seulement, comme le dit Jérémie (chap. XXXII, vers. 31) depuis la fondation de la ville, mais dès l’institution des lois ? C’est ce qu’Ézéchiel (chap. XX, vers. 25) témoigne par ces paroles : Je leur ai donné de mauvaises institutions, et des lois qui ne laissent à la nation aucune chance de durée ; je les ai souillés de leurs propres présents, lorsqu’ils offraient pour leurs péchés ce qui sort le premier du sein de la mère (c’est-à-dire les premiers-nés), parce que je voulais consommer leur ruine et leur apprendre que je suis Jéhovah. Pour comprendre ces paroles et la cause de la ruine de l’État, il faut qu’on sache qu’il avait d’abord été résolu que l’on confierait le ministère sacré à tous les premiers-nés et non aux seuls Lévites (voyez les Nombres, chap. III, vers. 17). Mais le peuple