Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/287

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tre évangélistes ait été nécessaire à connaître, et que Dieu les ait élus pour écrire, afin que l’histoire du Christ fût mieux comprise ; car chacun d’eux a prêché son Évangile en différents lieux, chacun a écrit ce qu’il avait prêché, et cela simplement pour exposer nettement l’histoire du Christ, et non pour expliquer les versions des autres apôtres. Que si le rapprochement de leurs textes les fait mieux comprendre chacun en particulier, c’est un effet du hasard ; et cela ne se rencontre que dans un petit nombre de passages, qui pourraient rester ignorés sans que l’histoire y perdît sa clarté et que les hommes fussent moins heureux. Nous avons montré, par tous ces faits, que l’Écriture n’est, à proprement parler, appelée parole de Dieu que par rapport à la religion ou à la loi divine universelle. Il nous reste maintenant à prouver que, considérée sous cet aspect, elle n’est ni trompeuse, ni corrompue, ni mutilée. Or j’appelle ici mensonger, corrompu et mutilé ce qui a été si mal écrit et si mal construit que le sens du discours ne peut se déduire de l’usage de la langue ou de la seule écriture ; car je ne veux pas prétendre que l’Écriture, en tant qu’elle renferme la loi divine, ait toujours gardé les mêmes accents, les mêmes lettres et enfin les mêmes mots (c’est un point dont je laisse la démonstration aux massorètes, et aux adorateurs superstitieux de la lettre), mais seulement que le sens, en vertu duquel seul un discours peut être appelé divin, est venu jusqu’à nous sans altération, encore que l’on suppose que les mots qui ont d’abord servi à l’exprimer aient été souvent changés. C’est qu’en effet, comme nous l’avons dit, cela n’ôte rien à la divinité de l’Écriture ; car l’Écriture serait également divine, quand on l’aurait écrite en d’autres termes ou en une autre langue. Ainsi, que la loi divine nous soit arrivée à cet égard pure et sans altération, c’est ce dont personne ne peut douter. Car l’Écriture elle-même nous fait percevoir sans difficulté ni ambiguïté que le but qu’elle nous propose, c’est d’aimer Dieu par-