Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/267

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demande, de ce qu’un livre a des endroits corrompus, est-ce une raison pour regarder tout le reste comme suspect ? S’est-il jamais rencontré un livre qui fût entièrement exempt de fautes ? Dira-t-on pour cela que tous les livres en sont pleins ? Personne assurément ne tombera dans cet excès, surtout quand on aura affaire à un discours clairement conçu et que la pensée de l’auteur s’y fera aisément reconnaître.

Voilà ce que j’avais à dire touchant l’histoire des livres de l’Ancien Testament. Il est aisé, je crois, d’en conclure qu’avant le temps des Machabées il n’y a point eu de canon des livres saints[1] : ce sont les pharisiens de l’époque du second temple, les mêmes qui instituèrent les formulaires de prières ; ce sont eux, dis-je, qui de leur autorité privée ont choisi entre beaucoup d’autres et consacré les livres que nous possédons maintenant. Par conséquent, pour démontrer l’autorité de l’Écriture, il est nécessaire de prouver celle de chaque livre saint en particulier ; et ce n’est évidemment pas assez d’établir la divinité d’un de ces livres pour en inférer la divinité de tous les autres, puisqu’il faudrait supposer pour cela que l’assemblée des pharisiens n’a pu se tromper dans son choix, ce qu’il est impossible de démontrer. Que si on me demande par quelle raison j’admets que les seuls pharisiens ont formé le canon des livres de l’Écriture, je citerai le dernier chapitre de Daniel (vers. 2), où est prédite la résurrection des morts, qui était niée par les saducéens. J’ajoute que les pharisiens dans le Talmud s’expliquent ouvertement sur ce point. Il est dit en effet, au Traité du sabbat (chap. II, feuille 30, p. 2) : R. Jehuda, surnommé Rabi, rapporte que les docteurs ont voulu cacher le livre de l’Ecclésiaste parce qu’on y trouve des paroles opposées à celles de la loi (c’est-à-dire au livre de la loi de Moïse). Pourquoi ne l’ont-ils pas caché ? c’est qu’il commence suivant la loi et finit suivant la loi. On lit un peu

  1. Voyez les Notes marginales de Spinoza, note 25.