Page:Œuvres de Spinoza, trad. Saisset, 1861, tome II.djvu/216

Cette page a été validée par deux contributeurs.
148
TRAITÉ

éternel, ce sont les deux raisons que voici :Il résulte des plus claires démonstrations que Dieu n’est pas un être corporel, et par conséquent il est nécessaire d’approprier à cette vérité tous les endroits de l’Écriture qui y sont littéralement contraires, puisqu’il est de toute certitude que l’interprétation littérale n’est pas véritable. Mais l’éternité du monde n’est établie par aucune démonstration ; d’où il résulte qu’il n’y a aucune nécessité de faire violence au texte de l’Écriture pour la mettre d’accord avec une opinion tout au plus vraisemblable, puisqu’il y a même quelque raison d’incliner vers l’opinion contraire. 2° Ma seconde raison c’est que le principe de l’immatérialité de Dieu n’a rien de contraire à l’esprit de la loi, etc. ; au lieu que l’éternité du monde, admise au sens d’Aristote, détruit la loi par son fondement, etc. » Telles sont les propres paroles de Maimonide, et il est aisé de s’assurer que nous avons fidèlement rapporté sa doctrine ; car si cet auteur eût admis par la raison que le monde est éternel, il n’eût pas hésité à presser et à violenter le texte de l’Écriture pour en tirer la confirmation de ce principe. Il eût même été immédiatement convaincu, en dépit de l’Écriture et contre ses déclarations les plus claires, qu’elle enseigne expressément l’éternité du monde. Il suit de là que, dans l’opinion de Maimonide, on ne peut être certain du véritable sens d’un passage de l’Écriture, si clair qu’il soit d’ailleurs, tant qu’on est en doute sur la vérité de la doctrine qu’il exprime. Car pendant que ce doute subsiste, on ignore encore si le sens littéral de l’Écriture est d’accord ou non avec la raison, et par conséquent s’il est ou non le véritable. Certes si Maimonide disait vrai, j’avouerais franchement que pour interpréter l’histoire il faut une autre lumière que celle de la raison naturelle. Car n’y ayant presque rien dans la Bible qui se puisse déduire de principes rationnels, il est clair que la raison ne peut nous être d’aucune utilité en ces rencontres pour entendre les livres saints, et dès lors une lumière plus haute serait absolument nécessaire. Une autre conséquence de l’opinion