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THÉOLOGICO-POLITIQUE.

apprendre touchant le salut. Ces personnes ne s’accordant pas à elles-mêmes une droite raison, il est tout simple qu’elles ne donnent aucune raison de leurs sentiments ; et si elles se targuent d’une connaissance supérieure à la raison, ce n’est là qu’une chimère parfaitement déraisonnable, comme le montre assez leur manière ordinaire de vivre. Mais il est inutile de m’expliquer ici plus ouvertement. Je me bornerai à dire en terminant qu’on ne peut connaître personne que par ses œuvres. Celui donc qui est riche en fruits de cette espèce, c’est-à-dire qui possède la charité, la joie, la paix, la patience, la douceur, la bonté, la foi, la mansuétude, la continence, je dis de lui avec Paul (aux Galates, chap. v, vers. 22) que la loi de Dieu n’est pas écrite contre lui ; et soit que la seule raison l’instruise ou la seule Écriture, je dis aussi que c’est Dieu qui véritablement l’instruit et lui donne le parfait bonheur. Voilà tout ce que j’avais à exposer sur la loi divine.


CHAPITRE VI

DES MIRACLES

De même que les hommes appellent divine toute science qui surpasse la portée de l’esprit humain, ils voient la main de Dieu dans tout phénomène dont la cause est généralement ignorée. Le vulgaire en effet est persuadé que la puissance et la providence divines n’éclatent jamais si visiblement que lorsqu’il arrive dans la nature quelque chose d’extraordinaire et qui choque les idées reçues, surtout si l’événement tourne au profit et à l’avantage des hommes. Aussi rien ne prouve plus clairement aux yeux du peuple l’existence de Dieu que l’interruption soudaine de l’ordre de la nature ; et de là vient que ceux qui expliquent toutes choses, et même les miracles, par des causes naturelles, et s’efforcent de