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THÉOLOGICO-POLITIQUE.

gerait pas le décret porté contre lui. Au contraire, il fut révélé à Jérémie (chap. xviii, vers. 8, 10) que Dieu, quand il avait pris un dessein favorable ou contraire à quelque nation, s’en repentait ensuite, si, avant l’accomplissement de son décret, les hommes de cette nation changeaient pour dégénérer ou devenir meilleurs. Mais la doctrine de Joël, c’est que Dieu ne se repent que du tort qu’il a fait (chap. ii, vers. 13). — Enfin il suit clairement du chap. iv de la Genèse, vers. 7, que l’homme peut dompter les tentations de pécher, et bien agir. Dieu lui-même le déclare à Kaïn, qui cependant, suivant l’Écriture elle-même et le témoignage de Josèphe, ne dompta jamais ses tentations. On trouve la même doctrine dans Jérémie au chapitre cité plus haut ; car il dit que Dieu se repent d’avoir porté un décret favorable ou contraire aux hommes, quand ils veulent changer leurs mœurs et leur manière de vivre. Or, c’est le principe ouvertement professé par Paul que les hommes n’ont d’empire sur les tentations de la chair que par l’élection de Dieu et par sa grâce. Voyez Épître aux Romains, chap. ix, vers. 10 et suivant Puis dans les chap. iii, vers. 5, vi, vers. 19, où il attribue à Dieu la justice, il se reprend, et avertit qu’il ne parle ainsi qu’en homme et à cause de la fragilité de la chair.

Il résulte donc avec une pleine évidence de l’ensemble des passages que nous avons cités que Dieu a proportionné ses révélations à l’intelligence et aux opinions des prophètes, que les prophètes ont pu ignorer les choses qui touchent la spéculation et n’ont point rapport à la charité et à la pratique de la vie, qu’ils les ont effectivement ignorées, et ont eu sur ces objets des opinions contraires. Il ne faut donc point leur demander la connaissance des choses naturelles et spirituelles. Il faut conclure au contraire que nous ne sommes tenus de croire aux prophètes que dans les choses qui sont l’objet et le fond de la révélation ; en tout le reste, libre à chacun de croire ce qu’il lui plaît. Pour prendre encore un