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saient strictement à cette extrémité de nier toute espèce de ressemblance entre l’intelligence divine et la nôtre, quelle accusation plus terrible contre sa doctrine ? À qui persuadera-t-on que la pensée humaine est une émanation de la pensée divine, et toutefois qu’il n’y a entre elles qu’une ressemblance nominale ? Mais que nous parlez-vous alors de la pensée divine ? comment la connaissez-vous ? Si elle ne ressemble à la nôtre que par le nom, c’est qu’elle-même n’est qu’un vain nom.

§ 3.


De la Liberté de Dieu.


Exister, agir, être libre, pour Dieu, c’est tout un ; car tout cela, c’est son essence. Deux choses, en effet, résultent de l’essence de Dieu : premièrement qu’il existe, secondement qu’il se développe par une infinité d’attributs fininis infiniment modifiés. Or tout développement est une action. Être étendu, pour Dieu, c’est produire l’étendue. Être pensant, c’est produire la pensée. De même que la Substance se développe par la Pensée et l’Étendue, l’Étendue se développe par les figures et les mouvements, et la Pensée par les idées. Être étendu, pour Dieu, c’est donc produire les corps ; penser, c’est produire les âmes. À tous les degrés de l’être, on retrouve unies l’existence et l’action dans le rapport du mode à l’attribut, de l’attribut à la Substance, dans l’essence de la Substance elle-même, elles se pénètrent et se confondent.

Dieu agit donc, puisqu’il existe ; il est l’activité absolue, source de toute activité, comme il est l’existence