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de l’Éthique est celle-ci : Si deux choses n’ont rien de commun, elles ne peuvent être cause l’une de l’autre. Un ami pénétrant le lui rappellera[1], mais il sera trop tard pour revenir sur ses pas.

Spinoza argumente ainsi : « La chose causée diffère de sa cause précisément en ce qu’elle en reçoit : par exemple, un homme est cause de l’existence d’un autre homme, non de son essence. Cette essence, en effet, est une vérité éternelle ; et c’est pourquoi ces deux hommes peuvent se ressembler sous le rapport de l’essence ; mais ils doivent différer sous le rapport de l’existence ; de là vient que si l’existence de l’un d’eux est détruite, celle de l’autre ne le sera pas nécessairement. Mais si l’essence de l’un d’eux pouvait être détruite et devenir fausse, l’essence de l’autre périrait en même temps. En conséquence, une chose qui est la cause d’un certain effet, et tout à la fois de son existence et de son essence, doit différer de cet effet, tant sous le rapport de l’essence que sous celui de l’existence. Or l’intelligence de Dieu est la cause de l’existence et de l’essence de la nôtre. Donc l’intelligence de Dieu, en tant qu’elle est conçue comme constituant l’essence divine, diffère de notre intelligence, tant sous le rapport de l’essence que sous celui de l’existence, et ne lui ressemble que d’une façon toute nominale, comme il s’agissait de le démontrer.[2] »

Quand Louis Meyer arrêtait ici Spinoza au nom de ses propres principes, on peut dire qu’il était vraiment dans son rôle d’ami. Car, si les principes de Spinoza condui-

  1. Louis Meyer, Lettres à Spinoza, tome III, page 440.
  2. De Dieu, Scholie de la Propos. 17.