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perfection de ses attributs. Égale absurdité ; car Dieu n’existe pas plus sans la Nature que la Nature sans Dieu ; ou plutôt, il n’y a qu’une Nature, considérée tour à tour comme cause et comme effet, comme Substance et comme mode, comme infinie et comme finie, et pour parler le langage bizarre mais énergique de Spinoza, comme naturante et comme naturée. La Substance et ses attributs, dans l’abstraction de leur existence solitaire, c’est la Nature naturante ; l’univers, matériel et spirituel, abstractivement séparé de sa cause immanente, c’est la Nature naturée ; et tout cela, c’est une seule Nature, une seule Substance, un seul Être, en un mot, Dieu[1].

Oui, tout cela est Dieu pour Spinoza non plus Dieu conçu d’une manière abstraite et par conséquent partielle, mais Dieu dans l’expression complète de son être, Dieu manifesté, Dieu vivant, Dieu infini et fini tout ensemble, Dieu tout entier.

Il suit de ces principes généraux qu’aucun des attributs de Dieu, et notamment la Pensée, ne peut être embrassé complément que si on l’envisage tour à tour, ou mieux encore, tout ensemble, dans sa nature absolue et dans son développement nécessaire.

À cette question quel est l’objet de la pensée divine ? il y a donc deux réponses, suivant que l’on considère la pensée divine d’une manière abstraite et partielle, soit en elle-même, soit dans un certain nombre ou dans la totalité de ses développements ; ou d’une manière réelle et complète, c’est-à-dire à la fois dans son essence et dans sa vie, dans son éternel foyer et dans son rayonnement éternel, comme pensée substantielle et comme

  1. Éthique, part. 1, Schol. de la Propos. 29.