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dire que l’Étendue, tout infinie qu’elle est, est infiniment moins infinie que la Substance, et qu’une sphère d’étendue, infinie en un sens par l’infinité de ses parties, est infiniment moins grande que l’Étendue, qui l’est infiniment moins que la Substance. Pourquoi donc ne serait-il pas permis de dire qu’une moitié de l’Étendue infinie est infinie en un sens, et cependant deux fois plus petite que l’Étendue tout entière ?

Spinoza conclut que Dieu est à la fois étendu et incorporel, et, à son avis, c’est justement parce qu’il est parfaitement étendu qu’il est parfaitement indivisible.

§ 2.


De la Pensée de Dieu.


Dieu est la Pensée absolue, comme il est l’Étendue absolue. La Pensée en effet est nécessairement conçue comme infinie, puisque nous concevons fort bien qu’un être pensant, à mesure qu’il pense davantage, possède un plus haut degré de perfection[1]. Or il n’y a point de limite à ce progrès de la pensée ; d’où il suit que toute pensée déterminée enveloppe le concept d’une pensée infinie, qui n’est plus telle ou telle pensée, c’est-à-dire telle ou telle limitation, telle ou telle négation de la Pensée, mais la Pensée elle-même, la Pensée toute positive, la Pensée dans sa plénitude et dans son fond.

La Pensée ainsi conçue ne peut être qu’un attribut de Dieu. Dieu pense donc ; mais il pense d’une manière digne de lui, c’est-à-dire absolue et parfaite. À ce titre, quel peut être l’objet de la Pensée ? Est-ce lui-même

  1. De l’Âme, Schlolie de la Propos. 1.