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qui exprime elle-même, d’une manière relative (quoique infinie), l’absolue perfection de la Substance[1].

Entre Dieu, pris en soi, dans la plénitude absolue de son essence, et les corps, pris en eux-mêmes, dans la limitation nécessaire de leur nature, l’Étendue est une sorte d’intermédiaire, infinie relativement aux corps, finie (en tant que détermination de l’Être) relativement à la substance divine. Mais il ne faut pas croire que l’Étendue soit séparée ni même distinguée de la Substance autrement que d’une distinction toute logique. Spinoza dit nettement et résolument que l’étendue infinie, c’est Dieu même, et en termes plus significatifs encore, que Dieu est chose étendue (Deus est res extensa).

Dieu est en même temps indivisible, non-seulement dans le fond de son essence[2] non encore manifestée, mais dans toutes les manifestations immédiates de cette essence, dans tous les attributs[3] qui l’expriment et la développent.

Spinoza donne une simple et belle démonstration de l’indivisibilité diviné[4] : « Si la substance infinie était divisible, les parties qu’on obtiendrait en la divisant retiendraient ou non la nature de la Substance. Dans le premier cas, on aurait plusieurs substances de même nature, ce qui est absurde[5] (ou même plusieurs dieux, ce qui est plus absurde encore) ; dans le second cas, la Substance, une fois divisée, perdrait sa nature, c’est-à-dire cesserait d’être. »

  1. De l’Âme, Démonstr. des Propos. 1 et 2.
  2. Éthique, part. 1, Propos. 13.
  3. De Dieu, Propos. 12.
  4. De Dieu, Démonstr. de la Propos. 13.
  5. Par la Propos. 5. — Deux substances de même nature, pour Spinoza, ne sont pas moins impossibles que, pour Leibnitz, deux indiscernables.