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§ Ier.


De l’étendue de Dieu.


L’Étendue est un attribut de Dieu[1] ; en effet, l’Étendue est infinie, et ce qui est infini ne peut être que Dieu ou un attribut de Dieu.

L’Étendue est infinie ; car, essayez de limiter l’Étendue, avec quoi la limitez-vous ? avec elle-même. En réalité, concevoir l’Étendue limitée, ce n’est plus concevoir l’Étendue, mais un de ses modes, c’est-à-dire un corps. L’Étendue réelle, distincte des corps, prise en soi dans sa plénitude et sa perfection, est parfaitement positive, c’est-à-dire sans négation, c’est-à-dire sans limitation.

L’Étendue n’est donc pas un mode, puisque tout mode est fini de sa nature. D’un autre côté l’Étendue, quoique infinie, n’est pas l’Infini, l’Infini absolu ; car elle ne contient qu’un genre précis de perfection, et l’Infini absolu les contient tous. L’Étendue est donc une perfection déterminée, contenue dans l’absolue Perfection, une infinité relative, qui exprime à sa manière l’absolue Infinité, en d’autres termes, un attribut de Dieu.

Nous savons d’ailleurs que les corps, comme tout ce qui est, sont en Dieu et par Dieu[2]. Mais à quel titre et comment en est-il ainsi ? c’est que les corps ne sont pas des substances, mais des modes, lesquels enveloppent le concept de l’étendue. Chaque corps exprime donc d’une manière finie l’infinité et la perfection de l’Étendue,

  1. Éthique, part. 2, Propos, 1 et 2.
  2. De Dieu, Propos. 15.