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En un autre endroit, Spinoza résume sa doctrine d’un seul trait rapide et profond : « Si Dieu n’existait pas, la pensée pourrait concevoir plus que la nature ne saurait fournir[1]. »

Il est prouvé qu’il existe une Substance ; mais en peut-il exister plus d’une ? Spinoza prouve très-solidement que cela est impossible.

« Il ne peut exister, dit-il, et on ne peut concevoir aucune autre substance que Dieu[2]. En effet, Dieu est l’être absolument infini, duquel on ne peut exclure aucun attribut exprimant l’essence d’une substance[3], et il existe nécessairement[4]. Si donc il existait une autre substance que Dieu, elle devrait se développer par quelqu’un des attributs de Dieu, et de cette façon il y aurait deux substances de même attribut, ce qui est absurde[5]. Par conséquent, il ne peut exister aucune autre substance que Dieu, et on n’en peut concevoir aucune autre ; car, si on pouvait la concevoir, on la concevrait nécessairement comme existante, ce qui est absurde (par la première partie de cette démonstration). Donc aucune autre substance que Dieu ne peut exister ni se concevoir. »

À coup sûr, cette démonstration est d’une rigueur

  1. De la Réforme de l’Ent. tome III, page 329, note 2. — Il est curieux de voir Oldenburg adresser à Spinoza, contre ta preuve a priori de l’existence de Dieu, les même objections que Gaumlon élevant contre saint Anselme, et que Gassendi renouvela plus tard contre Descartes. Comp. Oldenburg, Lettres à Spinoza, tome III, page 352 sqq — Gaumlon, Liber pro insipiente dans saint Anselme. Opp., éd. dom Gerberon. — Gassendi, Objections cinquièmes contre les Méditations.
  2. Éthique, de Dieu, propos. 34.
  3. Par la Définition, 6.
  4. Par la Propos. 11.
  5. Par la Propos. 5.